Née à Lambruisse, Élise Manent n’a que 4 ans lorsque ses parents s’installent en 1930 dans une ferme de Saint-Jurson, commune du Chaffaut.
C’est là, en 1943 et surtout 1944, que la famille Manent, dont Élise, alors toute jeune femme, ravitaille, grâce essentiellement aux produits et animaux de la ferme, les groupes de jeunes maquisards qui, envoyés le plus souvent par les frères Laurens de Bellegarde (Mézel), se cachent dans une petite maison proche de la bergerie des Manent et d’un puits, lieu-dit Le Champ du Seigneur. Avec son vélo, elle participe également au ravitaillement de résistants cachés autour de Digne.
Dans l’après-midi du 19 août 1944, la rumeur arrive jusqu’à Saint-Jurson : « les Américains sont à Digne ! » Élise y part à vélo, en suivant la voie ferrée Nice-Digne, pour profiter en soirée de la fête qui succède à la Libération de la ville. Le lendemain, elle prend la pose entre deux tankistes américains ! Une photographie devenue pleinement emblématique de l’esprit de la Libération...
Après la guerre, elle reprend sa vie de jeune femme, se marie avec Eugène Ausset et devient maman d’un garçon.
C’est bien plus tard qu’elle renoue avec son engagement de guerre, en devenant membre de l’ANACR (Association des anciens combattants de la Résistance). Puis qu’elle devient une figure discrète mais incontournable du monde combattant dignois et même départemental, fidèle aux cérémonies, tout particulièrement celle de la Libération chaque 19 août à la Fontaine de la République ; puis de plus en plus aux obsèques de celles et ceux qu’elle continuait d’appeler « mes camarades ». Elle a ainsi été très proche de Jean Garcin, véritable historien de la Résistance Bas-Alpine, et de Charles Pellegrino.
Elle participe également à de nombreux voyages de mémoire. Par exemple en juin 2004 lors des cérémonies officielles du 60e anniversaire du Débarquement de Normandie. Ou encore à de nombreux voyages destinés aux collégiens et lycéens de notre département lauréats du Concours national de la Résistance et de la Déportation, notamment dans le Vercors à plusieurs reprises, mais aussi au Struthof en Alsace ou à Oradour-sur-Glane. Si elle répugnait alors à se présenter comme « ancienne résistante » et à évoquer « sa » guerre, sa présence discrète mais attachante constituait un trait d’union entre les anciens et la jeune génération.
Fidèle jusqu’au bout à son engagement en faveur de la Mémoire, notamment au sein du Souvenir Français, elle était une des dernières représentantes de la génération qui a vécu et « fait » 1944, année à la fois tragique et pleine d’espoir. Sa disparition le 29 novembre 2022 tourne une page de notre histoire.
Afin de lui rendre hommage, le conseil municipal a décidé le 30 mai 2023 de donner son nom à une allée piétonne du parc Louis Jouvet, proche de son dernier domicile et rappelant son goût pour le jardinage.
